J.O. 167 du 22 juillet 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi de programme pour l'outre-mer


NOR : CSCL0306746X



Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi de programme pour l'outre-mer, adoptée le 30 juin 2003.

Les requérants articulent, à l'encontre des articles 56, 57, 60 et 68 de la loi, différents griefs qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. - Sur l'article 56


A. - L'article 56 de la loi déférée modifie l'article L. 720-4 du code de commerce qui traite du régime d'équipement commercial applicable dans les départements d'outre-mer. Dans ces départements, les autorisations d'exploitation commerciale des grandes et moyennes surfaces de commerce alimentaire ne peuvent, en principe, être délivrées, sauf dérogation motivée accordée par la commission départementale d'équipement commercial, lorsqu'elles auraient pour conséquence de porter au-delà d'un seuil de 25 %, ou d'augmenter au-delà de ce seuil, la part de surface de vente destinée à l'alimentation appartenant à une même enseigne, ou à une même société et à ses filiales, ou contrôlée directement ou indirectement par une même personne. L'article 56 modifie la définition du type de surface commerciale considérée, en substituant à la notion de « surface de vente destinée à l'alimentation » celle de « surface de vente totale des commerces de détail à prédominance alimentaire de plus de 300 mètres carrés de surface de vente ».

Selon les auteurs de la saisine, cette disposition serait dépourvue de précision et de clarté, et porterait ainsi atteinte à un principe de sécurité juridique. Elle porterait, au surplus, une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie.

B. - Une telle argumentation ne pourra qu'être écartée.

Les députés saisissants se réfèrent à une précédente décision du Conseil constitutionnel (décision no 2000-435 DC du 7 décembre 2000) qui avait censuré une disposition législative entendant modifier le même article L. 720-4 du code de commerce. Par cette décision, le Conseil constitutionnel avait considéré que la disposition dont il avait alors à connaître n'énonçait pas de façon claire et précise les limitations apportées à la liberté d'entreprendre.

Mais, au cas présent, l'article 56 de la loi de programme pour l'outre-mer n'encourt pas les mêmes reproches. La modification apportée à l'article L. 720-4, qui substitue à la notion de « surface de vente destinée à l'alimentation » la notion de « surface totale de vente des commerces de détail à prédominance alimentaire », apparaît, en effet, parfaitement claire et intelligible. Elle comporte toutes les précisions qui devaient être apportées par le législateur.

Il faut observer que la notion actuellement retenue par l'article L. 720-4 est, en pratique, très difficile à mettre en oeuvre pour une double raison : d'une part, elle s'applique, en principe, à tous les commerces - y compris ceux de moins de 300 mètres carrés de surface de vente - alors que les services du ministère chargé de la concurrence ne disposent pas d'un inventaire exhaustif de ces petits commerces ; d'autre part, elle suppose une appréciation concrète de la surface effectivement destinée à l'alimentation, exigée par la loi pour tous les commerces - de plus ou de moins de 300 mètres carrés -, appréciation qui se heurte à des difficultés sérieuses. Il en résulte, de fait et en l'état, une impossibilité matérielle de calculer, de manière objective et fiable, le seuil de 25 % posé par l'article L. 720-4. Comme le reconnaît d'ailleurs la saisine, cette situation est source d'insécurité pour les opérateurs.

C'est précisément pour remédier à ces difficultés et permettre une application plus certaine du mécanisme de l'article L. 720-4 qu'est intervenue la disposition critiquée de la loi de programme pour l'outre-mer qui retient une nouvelle définition des surfaces commerciales visées, laquelle est énoncée, sans ambiguïté, de façon claire et précise.

Cette nouvelle définition est cohérente avec l'ensemble de la législation relative à l'équipement commercial. Elle utilise, en effet, des critères déjà mis en oeuvre par cette législation. Ainsi, le seuil de 300 mètres carrés de surface de vente est celui qui est retenu, de manière générale et depuis la loi du 5 juillet 1996, par les dispositions relatives à l'autorisation d'exploitation commerciale (V. l'article L. 720-5 du code de commerce résultant de l'article 29 de la loi no 73-1193 du 27 décembre 1973, modifié par l'article 5 de la loi no 96-603 du 5 juillet 1996). De même, la notion de « magasin de détail à prédominance alimentaire » est déjà utilisée par cette législation (V. l'article L. 720-3 et l'article L. 720-5 du code de commerce, issus des articles 28 et 29 de la loi du 27 décembre 1973, modifiée par la loi du 5 juillet 1996 ; V. aussi l'article 18-5 du décret no 93-306 du 9 mars 1993 résultant du décret no 96-1018 du 26 novembre 1996) et répond à une définition précise, donnée par l'INSEE et reprise par la nomenclature d'activités françaises annexée au décret no 92-1129 du 2 octobre 1992 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits. Elle est fonction de la part que représente la vente de produits alimentaires dans le chiffre d'affaires et recouvre, en pratique, les magasins dont l'activité essentielle réside dans la vente des produits alimentaires. Dans le secteur de la grande distribution, il s'agit principalement des supérettes (jusqu'à 400 m² de surface de vente), des supermarchés (jusqu'à 2 500 m² de surface de vente), des hypermarchés (à partir de 2 500 m² de surface de vente) qui, en fonction de leur taille et des spécificités du marché local, commercialisent aussi d'autres produits (comme par exemple les vêtements, l'électroménager, les articles de bricolage) au-delà de leur activité première qui demeure la commercialisation de produits alimentaires.

Ainsi, au vu des termes mêmes utilisés par le législateur, il apparaît que la critique tirée du défaut de clarté ou de précision de la loi ne pourra être retenue.

L'invocation de la sécurité juridique, qui ne présente pas en elle-même le caractère d'un principe à valeur constitutionnelle, sera de même écartée. Sans doute l'intervention du législateur ne peut-elle avoir pour effet de priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; mais il lui est toujours loisible de modifier des textes antérieurs ou d'adopter des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité. Au cas présent, le législateur pouvait, sans se heurter à aucune exigence constitutionnelle, modifier la définition des surfaces commerciales visées par le régime propre aux départements d'outre-mer déterminé par l'article L. 720-4 du code de commerce.

Enfin, la disposition critiquée ne porte pas d'atteinte injustifiée à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Cette liberté n'est ni générale, ni absolue et s'exerce dans le cadre de la réglementation déterminée par la loi (décision no 82-141 DC du 27 juillet 1988 ; décision no 85-200 DC du 16 janvier 1986). En l'espèce, il faut observer que les limitations apportées à la liberté d'entreprendre résultent de dispositions législatives déjà en vigueur et que la modification apportée par la loi déférée à l'article L. 720-4 du code de commerce se borne à modifier un aspect ponctuel de cette législation. De cette modification à la portée limitée, il ne résulte pas d'atteinte excessive à la liberté d'entreprendre.


II. - Sur l'article 57


A. - L'article 57 dispose que l'Etat s'engage à mettre en oeuvre les orientations contenues dans le document « Stratégie de développement durable du territoire de Wallis et Futuna », signé à Mata-Utu le 20 décembre 2002.

Les députés, auteurs du recours, soutiennent que « cette disposition, dépourvue de valeur normative, constitue une injonction au législateur ».

B. - Ce grief appelle les observations suivantes.

Le document intitulé « Stratégie de développement durable du territoire des îles Wallis et Futuna », signé le 20 décembre 2002, en présence de la ministre de l'outre-mer, par le préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, le président de l'assemblée territoriale, les parlementaires du territoire ainsi que par des autorités territoriales et coutumières, manifeste l'engagement conjoint de l'Etat et du territoire en faveur d'un développement durable de Wallis et Futuna et précise le contenu et les moyens de cette stratégie de développement.

La signature de ce document s'est accompagnée de la signature, le même jour, d'une convention de développement 2003-2007, faisant suite à une précédente convention qui avait porté sur les années 1995-2000. Cette nouvelle convention prévoit des dotations à hauteur de 25 MEUR et renvoie à un avenant, actuellement en préparation, le soin de préciser la répartition de ces dotations entre les ministères intéressés.

Le Parlement a souhaité, en adoptant l'article 57 de la loi déférée, solennellement marquer l'engagement de l'Etat à mettre en oeuvre les orientations qui sont définies par le document programmatique et qui seront déclinées par la convention et son avenant.

Contrairement à ce qui est soutenu, le document ne comporte aucun terme qui serait susceptible de lier le législateur pour l'avenir. En particulier, les passages du document relatif aux aspects juridiques du développement de Wallis et Futuna n'impliquent pas que le Parlement légifère à l'avenir dans un sens déterminé. L'article 57 ne saurait, par suite, être compris comme exprimant une injonction faite au Gouvernement de déposer un projet de loi.


III. - Sur l'article 60


A. - L'article 60 prévoit le versement par l'Etat aux régions de Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, à la collectivité départementale de Mayotte, à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, d'une dotation de continuité territoriale, destinée à faciliter les déplacements des résidents de ces collectivités entre celles-ci et le territoire métropolitain en contribuant à financer une aide au passage aérien dans les conditions déterminées par les collectivités. L'article 60 précise en outre que le montant de cette dotation évolue comme la dotation globale de fonctionnement et renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités de répartition de cette dotation entre les collectivités, ainsi que les modalités d'établissement d'un bilan annuel et de statistiques qui devront être communiquées au représentant de l'Etat.

Les députés saisissants soutiennent que ce mécanisme demeurerait insuffisant pour rendre effectif le principe de continuité territoriale, lequel serait une composante du principe d'indivisibilité de la République. Ils estiment, en outre, que le législateur serait demeuré en deçà de sa compétence, d'une part, en ne mettant pas en oeuvre, pour améliorer la desserte aérienne de l'outre-mer, les possibilités ouvertes par la Constitution ou le droit communautaire et, d'autre part, en ne précisant pas les conditions dans lesquelles la dotation de continuité territoriale est versée. Le recours soutient, aussi, que le législateur n'aurait pas pris en compte la spécificité de la Réunion résultant de l'article 73 de la Constitution et que l'article 60 serait contraire aux dispositions de l'article 72-2 de la Constitution, parce que la dotation versée par l'Etat ne serait pas équivalente aux charges nouvelles imposées par le législateur aux collectivités d'outre-mer et parce que le législateur aurait dû préciser les modalités de péréquation de la dotation. Les députés saisissants soutiennent, de plus, que les dispositions en cause méconnaîtraient le principe d'égalité entre les collectivités et entre les citoyens. Il est enfin soutenu que l'article serait contraire à la Constitution, faute pour le conseil des ministres de la Polynésie française d'avoir été consulté préalablement à l'adoption de la disposition.

B. - Ces différentes critiques seront écartées.

1. Contrairement à ce qui est soutenu, le principe constitutionnel d'indivisibilité de la République, résultant de l'article 1er de la Constitution, n'implique pas que le législateur soit tenu de prendre des mesures particulières pour mettre en oeuvre la continuité territoriale ou la rendre plus effective.

Des considérations tenant à la configuration géographique du territoire peuvent certes conduire le législateur à décider de mesures spécifiques en cette matière, ainsi qu'il l'a fait, par exemple, pour la collectivité territoriale de Corse (V. les articles L. 4424-18 et L. 4424-19 du code général des collectivités territoriales). Mais il appartient au législateur d'en décider dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, sans qu'aucun principe de valeur constitutionnelle ne lui impose de prendre des mesures déterminées. On peut observer, en tout état de cause, qu'il n'était pas tenu de mettre en oeuvre des facultés offertes par des règlements communautaires.

2. L'article 60 de la loi déférée se borne à prévoir que l'Etat verse aux régions de Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, ainsi qu'à la collectivité départementale de Mayotte, à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, une dotation dite de continuité territoriale destinée à contribuer au financement des aides accordées par ces collectivités à leurs résidents utilisant les transports aériens entre ces collectivités et le territoire métropolitain. Cette dotation d'Etat abondera les régimes d'aide qui peuvent être mis en place par ces collectivités dans le cadre des compétences qu'elles détenaient déjà.

Eu égard à l'objet de cette disposition, qui n'est que de prévoir le versement d'une dotation de l'Etat au soutien de compétences des collectivités concernées, les principaux griefs articulés par la saisine perdent toute substance.

En premier lieu, le législateur n'est pas demeuré en deçà de sa compétence en adoptant les termes de l'article 60 de la loi déférée. Il a arrêté le principe et l'objet de la dotation en cause de façon suffisamment précise. Il ne lui appartenait pas de préciser les conditions dans lesquelles les collectivités d'outre-mer exercent leurs compétences ni d'encadrer les modalités qu'elles sont susceptibles de décider dans le cadre de leur libre administration, conformément d'ailleurs à l'esprit du deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution résultant de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. Le législateur pouvait renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités de répartition de la dotation entre les collectivités concernées ainsi que les modalités d'information de l'Etat sur l'emploi de la dotation. S'agissant de la répartition entre les collectivités visées, le législateur a insisté sur le fait que cette répartition devrait se faire en fonction d'un critère géographique lié à l'éloignement des collectivités, en laissant au pouvoir réglementaire le soin de préciser ce critère et de le combiner avec celui de la population considérée et celui des conditions effectives de desserte aérienne.

En deuxième lieu, les dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, résultant de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, apparaissent sans application en l'espèce, dès lors que l'article 60 de la loi déférée ne procède pas à un transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales, ni à une création ou une extension de compétences de ces collectivités. La loi déférée n'attribue pas aux collectivités d'outre-mer de compétences dont elles ne disposaient pas déjà, ni n'étend ces compétences, mais se borne seulement à prévoir le versement d'une aide de l'Etat. Dès lors qu'il n'y a pas de transfert de compétences d'Etat, l'exigence de « ressources équivalentes » invoquée par la saisine n'est pas applicable ; de même, en l'absence de création ou d'extension de compétences, l'invocation de la disposition exigeant de les accompagner par « des ressources déterminées par la loi » est dépourvue de portée. Quant au dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, il n'implique pas, en tout état de cause, que chaque mécanisme particulier décidé par le législateur comporte des dispositifs de péréquation.

En troisième lieu, l'invocation des dispositions de l'article 73 de la Constitution spécifiques à la Réunion est inopérante. La Constitution prévoit certes que la Réunion, à la différence des autres départements et régions d'outre-mer régis par l'article 73, ne pourra pas être habilitée par la loi à fixer elle-même, dans certaines matières, les règles applicables sur son territoire. Mais il ne résulte pas de cette disposition, qui traite des compétences en matière législative et réglementaire susceptibles d'être dévolues aux départements et régions d'outre-mer, que le législateur serait tenu, en toute matière, de prévoir des dispositions particulières et dérogatoires propres à la Réunion.

3. L'article 60 de la loi déférée ne porte pas atteinte au principe d'égalité.

D'une part, il ne saurait être sérieusement soutenu que les collectivités d'outre-mer visées par l'article 60 ne seraient pas, au regard de leur situation géographique, dans une situation différente de celles des autres collectivités territoriales de la République. Cette différence de situation justifie une intervention particulière de l'Etat sous la forme de la dotation prévue à l'article 60. La répartition de la dotation entre les collectivités visées à cet article se fera dans le respect du principe d'égalité, en fonction de critères objectifs et rationnels, liés à l'éloignement géographique, l'effectif de la population et les conditions des dessertes aériennes.

D'autre part, les personnes résidant dans ces collectivités d'outre-mer se trouvent placées dans une situation différente de celles qui résident sur le territoire métropolitain et qui pourraient souhaiter se rendre dans ces collectivités. Cette différence de situation est de nature à justifier que seules les premières puissent bénéficier de l'aide au passage aérien (décision no 79-107 DC du 12 juillet 1979 ; CE Sect 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, Rec. p. 274).

4. Le grief tiré de l'absence de consultation du conseil des ministres de la Polynésie française ne pourra qu'être écarté.

Sans doute le 3° de l'article 32 de la loi organique no 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française prévoit-il la consultation du conseil des ministres de cette collectivité, par le ministre de l'outre-mer ou le haut-commissaire, sur les conditions de la desserte aérienne entre la Polynésie française et tout autre point du territoire national. Mais cette disposition n'avait pas pour effet d'imposer de consulter cet organe de la collectivité avant l'adoption de l'article 60 de la loi déférée, à peine d'inconstitutionnalité de cet article .

Il faut, en effet, rappeler que seules les consultations prévues par la Constitution sont en principe opposables au législateur. La censure de dispositions adoptées par le Parlement pour un motif tiré d'un défaut de consultation ne peut ainsi être prononcée qu'à la condition que l'obligation de consultation ait été posée par le texte même de la Constitution, à moins que la Constitution ait explicitement renvoyé à d'autres textes, par exemple à une loi organique, le soin de compléter les règles qu'elle édicte. Au cas présent, l'article 74 de la Constitution, dans sa rédaction antérieure à la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, imposait seulement la consultation de l'assemblée territoriale préalablement à l'adoption des statuts des territoires d'outre-mer ou des lois déterminant les modalités de leur organisation particulière. Aucune disposition constitutionnelle n'imposait, en revanche, la consultation du conseil des ministres de la Polynésie française.

Il est vrai que la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, modifiant l'article 74 de la Constitution, a prévu que le statut des collectivités d'outre-mer régies par cet article de la Constitution fixera désormais les conditions dans lesquelles leurs institutions seront consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à ces collectivités, ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans les matières relevant de leurs compétences. Mais ces dispositions constitutionnelles nouvelles ne trouveront à s'appliquer qu'à compter de l'adoption, postérieurement à l'intervention de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, de dispositions organiques régissant le statut des collectivités considérées. Elles ne peuvent être comprises comme rendant opposable au Parlement une obligation de consultation résultant d'une loi organique antérieure régissant le statut d'un territoire d'outre-mer. Ainsi, l'absence de consultation du conseil des ministres de la Polynésie française ne peut, en l'espèce, justifier la censure de l'article 60 de la loi déférée, dès lors que cette consultation a été prévue par la loi organique du 12 avril 1996 intervenue avant la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.

On peut d'ailleurs observer que l'article 32 de la loi organique du 12 avril 1996 n'a pas la portée que lui prête la saisine. Le 3° de cet article impose la consultation du conseil des ministres de la Polynésie française à propos des « conditions de la desserte aérienne entre la Polynésie française et tout autre point du territoire national ». Ces conditions visent certainement les programmes des vols des compagnies d'aviation, les fréquences de ces vols comme les capacités des avions. Mais elles n'englobent pas les modalités selon lesquelles l'Etat peut contribuer au financement d'une aide décidée par les institutions de la collectivité pour favoriser le passage aérien des résidents. Ainsi, et en tout état de cause, le 3° de l'article 32 de la loi organique du 12 avril 1996 n'imposait pas au Gouvernement de saisir le conseil des ministres de la Polynésie française avant le dépôt du projet de loi de programme pour l'outre-mer.


IV. - Sur l'article 68


A. - L'article 68 ajoute au titre VI de la loi no 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte plusieurs dispositions, notamment un article 52-1 selon lequel l'exercice des droits individuels ou collectifs afférents au statut civil de droit local ne peut, en aucun cas, contrarier ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français. Selon les députés requérants, cette disposition méconnaîtrait la portée de l'article 75 de la Constitution.

B. - Un tel grief n'est pas fondé.

L'article 75 de la Constitution dispose que « les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l'article 34, conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé ». Il a pris la suite de l'article 82 de la Constitution du 27 octobre 1946 et a pour objet de garantir, au profit de certains citoyens, l'application des règles écrites ou coutumières qui régissent leur statut personnel, tant qu'ils n'ont pas renoncé à ce statut au bénéfice du statut civil de droit commun fixé par la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Sont susceptibles de relever du statut personnel des règles relatives à l'état et la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions, au régime de la propriété, des droits réels et des droits civils.

La garantie constitutionnelle posée par l'article 75 de la Constitution revient à interdire au législateur de contraindre des citoyens à renoncer, contre leur volonté, au bénéfice de leur statut personnel. Il lui interdit aussi d'abolir les statuts personnels ou de les modifier au point d'en dénaturer la portée. Il lui interdit encore de permettre à des citoyens de se placer à nouveau sous un tel statut alors qu'ils y ont préalablement et valablement renoncé.

Mais l'article 75 de la Constitution n'a ni pour objet ni pour effet de cristalliser les statuts personnels dans l'état qui était le leur à la date d'intervention de la Constitution du 4 octobre 1958. En effet, aucune disposition de la Constitution de la Ve République, pas davantage que de la Constitution de la IVe République, ne vise à figer le contenu des statuts personnels. On peut, de fait, relever que plusieurs lois sont intervenues en cette matière sous la IVe République, de même qu'après 1958 l'ordonnance no 59-274 du 4 février 1959 relative au mariage contracté par les personnes de statut civil local en Algérie. S'agissant de Mayotte, il faut souligner que le champ du statut personnel a été déterminé par les autorités de l'Etat par la voie de l'article 6 du décret du 29 mars 1934 portant réorganisation de la justice indigène dans l'archipel des Comores et qu'il a été élargi par l'article 4 de la délibération no 64-12 bis du 3 juin 1964 de la chambre des députés du territoire des Comores. Les dispositions de droit écrit régissant ce statut personnel sont, de plus, complétées par des coutumes locales orales dégagées et interprétées par les juridictions cadiales. Elles ont ainsi connu des modifications depuis l'entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958.

L'article 75 de la Constitution ne s'oppose pas davantage à ce que de telles modifications soient apportées par le législateur. Aucune disposition de la Constitution n'investit, en effet, une autorité locale d'une compétence exclusive pour modifier le contenu des statuts personnels. D'ailleurs, s'agissant de la collectivité de Mayotte, on peut relever qu'à la différence de la situation qui prévalait pour l'ancien territoire des Comores le conseil général de Mayotte ne dispose aujourd'hui d'aucune compétence en matière de statut personnel. Il est, dès lors, loisible au législateur, dans l'exercice de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, de modifier certaines des dispositions régissant ces statuts personnels dans la mesure où son intervention n'a pas pour conséquence de les priver d'effet ou d'en dénaturer la portée.

Au cas présent, il faut au surplus relever que la seule disposition de l'article 68 de la loi déférée réellement critiquée par la saisine n'a pas pour objet de modifier le contenu du statut personnel que des citoyens de la République résidant à Mayotte ont pu conserver. Il ne traite, en effet, pas des matières relevant du statut personnel, mais se borne à rappeler que l'exercice des droits afférents au statut civil de droit local ne peut contrarier ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français. Les règles fixées par le statut personnel - état et capacité des personnes, régimes matrimoniaux, succession, régime de la propriété, des droits réels et civils - ne relèvent pas du même champ que les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français que sont, notamment, les droits civiques et politiques ou la garantie des libertés constitutionnellement garanties comme, par exemple, la liberté d'aller et venir. Il s'ensuit que cette disposition ne peut, en tout état de cause, être jugée contraire à l'article 75 de la Constitution.


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En définitive, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les auteurs du recours ne sont pas de nature à justifier la censure de la loi déférée. C'est pourquoi il estime que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.